SOMMET POUR UN NOUVEAU PACTE FINANCIER MONDIAL : Intervention du Président de Transition

Paris le 22 juin 2023

Excellences, Mesdames et Messieurs les Chefs d’Etat et de Gouvernement,

Monsieur le Secrétaire Général des Nations Unies,

Madame la Modératrice,

Distingués invités en vos rangs respectifs,

Je voudrais, à l’entame de mes propos, remercier le peuple Français pour son accueil et féliciter le Président Macron pour cette belle initiative qui nous réunit ce jour à Paris, pour discuter de l’avenir de l’architecture du financement mondial de nos économies.

Le choix des sujets et la qualité de l’organisation sont appréciés à leur juste valeur et je voudrais remercier toutes les équipes techniques qui ont fait de ces assises une réalité.

Le Tchad est honoré de partager son expérience en matière de traitement de la dette au sein du Cadre Commun

Excellences ; 

Mesdames et Messieurs.

Étant le premier pays à porter l’ambition du Cadre Commun dans un contexte global et régional marqué par une extrême volatilité, le Tchad est parvenu en novembre 2022 à un accord sur le traitement de sa dette extérieure au sein du Cadre Commun avec son principal créancier commercial et le comité des créanciers bilatéraux officiels co-présidé par la France et l’Arabie Saoudite.

Nous saluons ici l’ensemble de ces partenaires de développement, dont le Fonds Monétaire International et le Secrétariat du Club de Paris, pour leur soutien continu tout au long du processus de négociation. Le Cadre commun représente une avancée positive pour l’architecture de résolution des crises de dette souveraine, à travers une approche coordonnée et simultanée des dettes bilatérales et commerciales extérieures.

Il a contribué à structurer un processus d’engagement et de négociation constructive avec le principal créancier commercial extérieur du Tchad. Les paramètres du traitement de la dette conclu en novembre 2022 au titre du Cadre Commun permettent de restaurer la soutenabilité de la dette publique tchadienne.

Le Tchad forme le vœu que le précédent établi en novembre dernier offre des éclairages utiles pour les processus de renégociation en cours et futurs pour les pays les plus vulnérables.

Excellences ; 

Mesdames et Messieurs.

Nous sommes tous conscients des enjeux en matière de rétrocession des DTS.  En tant que principal instrument du FMI pour l’octroi de prêts concessionnels, le Fonds fiduciaire pour la réduction de la pauvreté et pour la croissance (FRPC) a joué un rôle déterminant ces dernières années pour aider les pays à faible revenu à faire face aux chocs extérieurs.

Dans ce contexte, le Tchad est convaincu de l’utilité des mécanismes de financement innovants pour permettre aux pays les plus vulnérables d’investir dans un avenir résilient, inclusif et durable. Il salue la création et envisage à cet égard d’accéder au Fonds fiduciaire pour la résilience et la durabilité (FRD) et au guichet « chocs alimentaires » du FMI récemment créés.

Compte tenu de la fermeture des marchés de capitaux, une mobilisation plus importante de dispositifs de financement mixtes ou semi-concessionnels devrait être envisagée pour les pays à faible revenu afin de lutter contre les effets du changement climatique, assurer la sécurité alimentaire et apporter des réponses aux importants défis humanitaires et sécuritaires auxquelles nous sommes collectivement confrontés.

Excellences ; 

Mesdames et Messieurs.

Le Tchad, mon pays est l’un des pays les plus vulnérables aux effets du changement climatiques.

Toutefois, nous sommes engagés sur 3 aspects :

  1. Réussir la mise en œuvre des objectifs de développement durable pour éradiquer l’extrême pauvreté et améliorer la qualité de vie des populations ;
  2. Réduire nos émissions de gaz à effet de serre, notamment en développant les énergies renouvelables ;
  3. Protéger les populations qui souffrent, année après année, des conséquences du changement climatique.

Tout cela pèse sur l’agriculture et l’élevage de notre pays, avec des menaces concrètes sur sa sécurité alimentaire.

Nous vivons donc avec les conséquences directes des pertes et dommages liés au changement climatique. Or si nous consacrons l’essentiel de nos ressources à réparer les pertes et préjudices liés au changement climatique, que nous n’avons pas causés, nos pays seront privés de leur capacité d’investissements dans l’économie, dans les énergies renouvelables, dans nos infrastructures sociales de santé, d’éducation etc.

C’est une posture assez commune que nous connaissons en Afrique.

En effet, nos pays font face à de nouvelles dynamiques, souvent externes qui fragilisent nos économies et réduisent nos capacités de résilience.

36% de la population africaine, est actuellement exposée à au moins un événement climatique extrême. L’année passée nous avions connu des inondations au Tchad, avec des conséquences importantes sur notre économie locale et nos populations. Plus d’un million de Tchadiens avait été déplacé et réinstallé. Plusieurs milliers d’hectares de cultures et de têtes de bétails avaient été décimés.

Ces phénomènes risquent de se répéter et nécessitent des préparations spécifiques et une solidarité mondiale plus forte, plus spontanée.

Encore récemment, nous avions pris l’engagement devant le Fonds Monétaire International et la Banque Mondiale, de renforcer nos fonds de stabilisation à la suite d’une légère hausse du prix du baril du pétrole. Cela sans compter sur les crises multiples que connaissent nos pays voisins et que le Tchad ne peut, par humanisme et par fraternité, ignorer.

Nous avons déployé plus de 8,000 hommes sur les 1,400 km qui nous séparent avec le Soudan pour accueillir et sécuriser les populations soudanaises qui fuient la guerre dans leur pays. Aujourd’hui, en plus des 600,000 refugiés sur nos sols, nous avons reçu plus de  140,000 réfugiés Soudanais avec la dernière vague.

Nous utilisons nos moyens propres et cela a un impact important sur notre budget et nos réserves déjà modestes. Cette situation ne peut être oubliée par les partenaires internationaux qui doivent montrer que les vies humaines méritent une attention mondiale.

Excellences ; 

Mesdames et Messieurs.

Jusque-là, nous avons tous fait le constat selon lequel, les besoins de développement de nos pays et de nos populations vont plus vite que les reformes que nous mettons en place pour renforcer nos recettes intérieures, censées financer ce même développement.

En toute logique, face à une telle situation, nous avons tous eu recours à des dettes pour financer le développement de nos pays.

Au Tchad, avec un niveau d’endettement de 36,2% en 2023, nous sommes encore loin du seuil de 70% de la sous-région. Ces 10 dernières années, nous avons constamment investi dans la réduction de notre niveau d’endettement. Le Tchad est également le premier pays à conclure un accord de traitement de la dette extérieure au titre du Cadre commun du G20, y compris avec son principal créancier privé.

Toutefois, bien que les pays africains présentent des profils d’endettement différents, il est essentiel de veiller à ce que les mécanismes de financement de façon générale répondent aux besoins de ces pays, singulièrement.

Cela voudrait dire, plus de contextualisation pour mieux comprendre nos réalités, plus de flexibilité face aux changements, moins de procédures administratives et plus de ressources concessionnelles.

Le Tchad s’est engagé à plus de transparence, plus de dialogue avec ses créanciers y compris ses créanciers résidents. Nous allons continuer sur notre lancée de réformes structurelles pour favoriser davantage la mobilisation de ressources internes, diversifier notre économie et réduire notre dépendance au secteur pétrolier.

Pour cela, il nous faudra plus de ressources concessionnelles. Cela voudrait aussi dire que le système de financement mondial devrait mettre à disposition de nos banques multilatérales de développement (Banque Mondiale, Banque Africaine de Développement etc.), plus de ressources et assurer un renforcement et une bonne répartition des Droits de Tirage Spéciaux (DTS).

En retour, nos banques multilatérales de développement doivent faire plus d’efforts pour réduire leur bureaucratie, prendre plus de risques et accentuer la mise en œuvre des projets structurants.

Au-delà, je voudrais lancer un appel global afin que nous puissions certes, nous réunir, mais aussi respecter nos engagements en matière de développement international. Nous avons déjà eu de bonnes idées et qui nécessitent un réel engagement dans leur mise en œuvre :

  • l’allocation de 0,7 % du PIB des pays développés aux pays en développement ;
  • la mise en œuvre des conclusions du sommet sur le financement des économies africaines tenu à Paris en 2021 sur la réallocation des DTS ;
  • le respect des engagements pris au titre de l’Accord de Paris, en particulier la mobilisation de 100 milliards de dollars par an pour le Fonds vert pour le climat.

Excellences ; 

Mesdames et Messieurs.

Pour terminer, je ne saurai passer sous silence le fait que les pays puissants sont à l’origine du dérèglement climatique qui a eu et continue d’avoir des conséquences sévères et pesantes sur les pays Sud et notamment les pays africains.

Par conséquent, je tiens à appeler à la suppression pure et simple de la dette des pays africains pour compenser les dégâts énormes causés par le dérèglement climatique et alléger le fardeau subi par les pays africains malgré eux.

Enfin, je mets en exergue l’importance de faire en sorte que le même engagement et la même mobilisation vis-à-vis de l’Ukraine animent nos actions futures de développement international.

Je vous remercie de votre aimable attention