ORAISON FUNÈBRE PRONONCÉE PAR Dr HAROUN KABADI, AUX OBSEQUES DU MARECHAL DU TCHAD .

  • Monsieur le Président du Conseil Militaire de Transition
  • Excellences Messieurs les Chefs d’État ;
  • Mesdames, Messieurs les Chefs de Délégation ;
  • Monsieur le Président de la Commission de l’Union Africaine ;
  • Messieurs les membres du Conseil Militaire de Transition ;
  • Madame la Première Dame
  • Chers frères et sœurs  membres de la famille
  • Mesdames, Messieurs.

L’émotion m’étreint la voix mais l’honneur et le privilège de prononcer l’oraison funèbre en cette  circonstance éprouvante marquant les obsèques d’un Grand Homme d’État, le Maréchal du Tchad IDRISS DEBY ITNO, me donnent la force de dominer cette émotion et de dire un mot. Qu’il me soit permis de saluer la forte présence des Chefs d’État de nombreux pays amis et d’éminentes personnalités qui ont sacrifié leur précieux agenda pour assister à ce douloureux événement.

Je voudrais aussi saluer la présence à nos côtes du Président de la République française. Monsieur le Président Emmanuel Macron, le Tchad prend toute la mesure de cette amitié et de cette solidarité à un moment particulièrement difficile et éprouvant de son histoire. Soyez-en sincèrement remercié. 

A vous tous qui avez tenu à partager nos peines et douleurs, je voudrais vous exprimer toute la gratitude du Conseil Militaire de Transition et du peuple tchadien tout entier.

  • Excellences ;
  • Mesdames, Messieurs

Le 19 avril 2021, dans la matinée, le Tchad s’attendait à vivre    un événement important de sa vie démocratique. En effet, la Commission Électorale Nationale Indépendante (CENI) devrait, dans la soirée, publier les résultats provisoires de l’élection présidentielle.

Personne ne pouvait s’attendre à ce que le soleil qui s’est levé ce jour, ce jour porteur d’espoir pour notre jeune démocratie, charrie des rayons si cruels et si funestes. Ce 19 avril 2021, le Maréchal du Tchad s’est éteint, des suites de blessures, au cours du combat homérique livré contre les forces du mal. 

Difficile de croire mais le Président IDRISS DEBY ITNO nous a quittés au moment où le peuple l’a plébiscité pour un nouveau mandat. Cette brutale disparition a profondément consterné les tchadiennes et les tchadiens qui ont, à une écrasante majorité, adhéré au projet de société du Candidat du Consensus pour le Tchad des solidarités, le Tchad des ambitions assumées, le Tchad tourné vers le futur et la modernité. Nous avons non seulement perdu un dirigeant hors pair et un grand Homme d’État mais nous avons perdu un guide, une boussole, un repère et un symbole. Les Tchadiennes et Tchadiens mesurent pleinement le sens de la lutte, que le Maréchal du Tchad IDRISS DEBY ITNO, a mené, depuis sa tendre jeunesse pour ce pays qui est tout pour lui. 

De par ses actions, le Président IDRISS DEBY ITNO nous a enseigné que le sacrifice que l’on consent pour sa patrie n’a pas une valeur marchande.  C’est cet inoxydable foi patriotique qui a rythmé tout son parcours de soldat et de Chef d’État. C’est pour la Nation, rien que pour la Nation, qu’ila pris les armes, pour défendre l’intégrité territoriale, la souveraineté du Tchad, endiguer le terrorisme et l’insécurité en vue de permettre à notre pays de poursuivre sa marche inexorable sur la voie de l’émergence.

  • Excellences ;
  • Mesdames, Messieurs.

La vie et le parcours du Maréchal du Tchad IDRISS DEBY ITNO sont  un parfait condensé  de l’encyclopédie d’un vécu accompli et pétri d’expériences diverses et multiples. Permettez-moi, à cet égard, de vous parler de l’homme dont nous saluons aujourd’hui la mémoire. IDRISS DEBY ITNO est né en 1952 à Berdoba dans la Province de l’Ennedi Est. Dès son bas âge, il a fréquenté l’École Coranique à Amdjarass, l’école publique au Soudan de 1956 à 1960, avant d’entrer à  l’école Française de Fada.

Il poursuivit ensuite ses études secondaires à Faya Largeau, au Lycée de Biltine, au Lycée Franco-Arabe d’Abéché et au Lycée Jacques Moudeina de Bongor, sanctionnées par un Baccalauréat scientifique série D.

Il entama alors sa formation militaire à l’École des Officiers d’Active de N’Djaména (Promotion 1975-1976), d’où il sortira avec le grade de Sous-lieutenant. Il entra ensuite à l’Institut Aéronautique d’Amaury la Grange de Hazebrouck en France, où il y décrocha une Licence professionnelle de Pilote de ligne et de Parachutiste.

Malgré la situation de crise politico-militaire au Tchad, il décida de rentrer dans son pays, et regagna les Forces Armées du Nord (FAN). Ses qualités militaires furent rapidement remarquées sur le terrain, ce qui lui a valu d’être désigné en 1980, Chef d’État-major des Forces Armées du Nord (F.A.N.). Au cours de cette année 1980 où les forces des tendances politico militaires se sont affrontées pendant neuf (9) mois sans aucune victoire, les FAN ont décidé d’opérer un repli stratégique, pour mieux se réorganiser.

Ce repli des Forces Armées du Nord vers l’est du pays se fera dans des conditions extrêmement difficiles et périlleuses, car pilonnés sans relâche par l’aviation libyenne, et les forces terrestres du GUNT. Il a fallu toute l’ingéniosité tactique et une connaissance géostratégique exceptionnelle du terrain au Commandant en Chef IDRISS DEBY ITNO, pour parvenir à regagner l’est du pays avec le reste de la colonne. Après une réorganisation de leurs troupes, les FAN ont pris le contrôle du pays le 7 juin 1982.

Animé par le souci de défendre la souveraineté du pays et l’intégrité du territoire face à l’oppression et l’occupation libyennes, les FANT ont reconquis Kalaït, Fada, Ouadi-doum, Ounianga et la base stratégique de Maten-en-Sarah, en plein territoire libyen.

  • Excellences ;
  • Mesdames, Messieurs.

Au regard du potentiel militaire du jeune officier IDRISS DEBY ITNO, les Autorités tchadiennes d’antan ont décidé de l’envoyer à l’École Supérieure de Guerres Interarmées à Paris en France, où il a suivi les cours de 1986 à 1987. De retour au Tchad, il fût nommé Conseiller à la Présidence de la République Chargé de la Défense et de la Sécurité. Le 1er Avril 1989, en désaccord avec le Chef de l’État de l’époque, IDRISS DEBY ITNO et quelques compagnons ont décidé de quitter N’Djaména en direction de l’Est. Le chemin fut périlleux.

Les combattants, pourchassés par l’aviation du régime devaient livrer plus de douze (12) batailles asymétriques tout au long de leur chemin d’exil. Seule, la colonne dirigée par IDRISS DEBY ITNO parvint au Soudan.

Les survivants ont créé alors « l’Action du 1er Avril » qui s’unira à d’autres formations en lutte contre la dictature, pour créer le Mouvement Patriotique du Salut (MPS) à Bamina, le 11 mars 1990.

Les Forces Patriotiques du MPS se sont réorganisées et ont lancé une offensive de grande envergure contre les Forces armées nationales tchadiennes (FANT), avec des moyens logistiques et matériels très limités mais animés par la seule force de leur conviction et leur inébranlable détermination à sauver le Tchad du règne de l’obscurantisme.

Au terme d’une fulgurante offensive, IDRISS DEBY ITNO et ses hommes ont mis en déroute les FANT à Tiné 1 et Tiné 2 et, enfin à Adré. Le 1er décembre 1990, le Colonel IDRISS DEBY ITNO, à la tête des Forces du Mouvement Patriotique du Salut, remporta une éclatante victoire contre l’une des pires dictatures jamais égalées en Afrique.

  • Excellence ;
  • Mesdames, Messieurs

A peine installé, le nouveau pouvoir du Colonel IDRISS DEBY ITNO  va connaitre ses premières attaques, menées par les groupes rebelles du MDD depuis les confins du Lac Tchad.

Les Forces de Défense et de Sécurité, sous la conduite du Chef Suprême des Armées, IDRISS DEBY ITNO, mettront fin à cette aventure visant à menacer les Institutions républicaines.

Les Tchadiens se souviendront toujours comment, à plusieurs reprises, le Président IDRISS DEBY ITNO a mis en échec des assauts meurtriers à répétition menés à partir de l’extérieur par des mercenaires de tout acabit.  Pour lui, le Tchad ne doit pas plonger dans les profondeurs de l’instabilité institutionnelle et de la vassalité.

Fidèle à ce serment, IDRISS DEBY ITNO n’a pas accepté l’affront de Boko Haram en mars 2020, et il a décidé, au péril de sa vie, de rétablir l’honneur du peuple tchadien et de son Armée. L’affront a été bien lavé en prenant personnellement le commandement de l’opération « Colère de Bohoma », et en installant son centre d’opération au milieu des troupes à Baga Sola, dans les abords du Lac Tchad.

Le même engagement patriotique a amené l’homme, il y a quelques jours, à arborer son treillis et prendre la route des théâtres des opérations dans le Nord Kanem. Comme à l’accoutumée, ce fut une cinglante défaite que les Forces de Défense et de Sécurité dirigées par le Maréchal du Tchad a infligé aux hordes terroristes venus de la Lybie.

Dans ce combat héroïque pour le Tchad éternel, le Maréchal du Tchad a été blessé et il s’est éteint après son évacuation à N’Djamena. C’est un coup de destin mais l’homme l’avait déjà prédit. Permettez-moi de citer les propos que le Maréchal du Tchad a tenus lors d’une conférence de presse. Je cite « Vous avez vu un jour un Chef d’État prendre une arme et aller se battre ? Vous croyez que je l’ai fait parce que je suis brave ? je l’ai fait parce que je suis courageux ?  Non, je l’ai fait parce que j’aime ce pays et je ne veux pas que le désordre s’installe dans ce pays. Je préfère aller mourir sur le terrain que de voir le désordre dans ce pays ».

Oui, le Maréchal IDRISS DEBY ITNO est mort sur le champ d’honneur pour l’honneur de sa patrie et la dignité de son peuple.

L’engagement personnel du Maréchal IDRISS DEBY ITNO à défendre l’intégrité, la souveraineté et l’indépendance du Tchad s’étend également à la sous-région, où il mène un combat sans relâche contre les terroristes de tous bords, au Mali, au Cameroun, au Niger, en RCA, au Nigéria, et dans la région du Bassin du Lac-Tchad.

Lorsque le Mali, ce pays frère et ami, a été menacé dans son intégrité territoriale par les terroristes djihadistes, le Maréchal IDRISS DEBY ITNO, fidèle à sa vision panafricaniste, a répondu favorablement aux différents appels du Mali et de la communauté internationale, en envoyant les troupes tchadiennes pour contrecarrer cette agression terroriste avec l’autorisation de l’Assemblée Nationale.

  • Mesdames, Messieurs

Au-delà de son exceptionnel parcours militaire, le Maréchal IDRISS DEBY ITNO a aussi eu un brillant parcours politique. Président du Mouvement Patriotique du Salut depuis sa création, IDRISS DEBY ITNO a été Président du Conseil d’État le 04 Décembre 1990, puis désigné Président de la République le 28 Février 1991 suite à l’adoption de la Charte Nationale, et élu démocratiquement lors des différents scrutins présidentiels.

Sur la scène internationale, il a également présidé aux destinées des organisations régionales et sous régionales. En 2016, ses pairs du continent lui avaient confié les rênes de l’organisation continentale. L’on se rappelle, comme si c’était hier,  ce passage à la tête de l’Union Africaine tant ce mandat d’un an a été riche en termes d’actions concrètes au service de l’organisation et de l’Afrique.  

  • Excellences ;
  • Mesdames, Messieurs

Le peuple tchadien pleure aujourd’hui IDRISS DEBY, le patriote, celui qui peut abandonner sans aucun regret le faste et les bureaux climatisés pour passer des jours entiers  en plein désert ou dans les montagnes, à la merci des intempéries, pour défendre son pays, sa terre, sa patrie.

Le peuple tchadien pleure le garant de la paix, de la sécurité et de la stabilité.  Le peuple tchadien pleure le chevalier de la liberté et de la démocratie. Le peuple tchadien pleure l’architecte du développement inclusif et solidaire. Le peuple tchadien pleure l’ardent défenseur de l’unité nationale, du dialogue inter-religieux et de la cohésion fraternelle.  

Mais je sais que les larmes que nous versons vont former le lac de l’espoir qui fera germer les graines de la refondation du Tchad éternel suivant l’ambition que le Maréchal du Tchad nourri pour son pays. C’est bien évidemment, la foi en l’avenir radieux de ce pays qui est la sève qui a alimenté toutes les actions du Maréchal du Tchad au service de son pays et de son peuple.

  • Excellences ;
  • Mesdames, Messieurs

L’Afrique, à travers la présence de nombreux Chefs d’État, ici présents, salue la mémoire du panafricaniste pragmatique. Nous savons tous à quel point le Président IDRISS DEBY ITNO  était attaché à la dignité de l’Homme africain, à la solidarité entre les peuples du continent et à l’unité africaine.

Son plus grand rêve, c’était de voir un pays africain siéger aux Nations Unies en qualité de membre permanent du Conseil de Sécurité jouissant d’un droit de véto. Je suis convaincu que ce rêve se matérialisera dans un futur proche. La jeunesse africaine, la jeunesse consciente, celle qui incarne tout notre espoir se battra pour que justice soit rendue à notre cher continent.

  • Excellences ;
  • Mesdames, Messieurs

Aucune forme de lyrisme et de rhétorique ne suffira pour rendre l’hommage nécessaire au Maréchal du Tchad. Je voudrais simplement dire, pour terminer mon propos, que le Maréchal du Tchad IDRISS DEBY ITNO, est et restera une légende vivante pour l’ensemble du peuple tchadien et un symbole fort pour nombre de personnes en Afrique et dans le Monde.  Sa vie est une intarissable source d’inspiration de générosité humaine, de dignité, de grandeur, de témérité, de patriotisme.

Maréchal du Tchad IDRISS DEBY ITNO, tes compagnons de lutte et tous tes compatriotes te disent MERCI car tu as joué pleinement ta partition.  Nous te rassurons que le peuple tchadien va se montrer digne du riche héritage que tu nous as légué.  Le Conseil Militaire de Transition prend l’engagement solennel, avec la contribution active de tous nos compatriotes, de maintenir toujours vif le flambeau béni de la paix, de la stabilité, de la sécurité, du vivre-ensemble, de la réconciliation nationale,  de la démocratie, de la liberté et de la justice sociale.  

Vas en paix, Maréchal du Tchad IDRISS DEBY ITNO. La mort qui t’a emporté au courant du mois sacré de Ramadan est toute une symbolique. Qu’Allah le Tout Puissant t’accueille dans son paradis.

Je vous remercie de votre bien aimable attention.