Communication du Président de Transition, au premier conseil des ministres du Gouvernement d’Union Nationale

  • Monsieur le Premier Ministre de Transition ;
  • Messieurs les Ministres d’État
  • Mesdames, Messieurs les Ministres.

Je voudrais à l’entame de ma communication, saisir cette opportunité pour féliciter, vivement, le Premier Ministre de Transition, Chef du Gouvernement ainsi que l’ensemble des membres de l’équipe gouvernementale.  

Je tiens également à vous exprimer mes sincères souhaits de réussite dans vos missions respectives.

La formation de ce Gouvernement d’union nationale intervient dans un contexte particulier, où notre pays entame la deuxième phase de la transition, conformément à la volonté souveraine du peuple tchadien, exprimée à travers ses représentants réunis au Dialogue National Inclusif et Souverain.

Il s’agit d’une période charnière qui sera pleinement consacrée à la mise en œuvre des résolutions pertinentes et des recommandations innovantes issues de ces assises.

La refondation de la République est le crédo qui guidera nos actions propres et celles entreprises avec nos partenaires techniques et financiers, pendant toute la durée de cette seconde phase de la Transition.

C’est vous dire que la mission est immense, les attentes sont nombreuses et le temps est limité. C’est la raison pour laquelle, il faudra agir promptement, efficacement et dès aujourd’hui à traduire dans les faits le vaste chantier de la refondation.

Ce chantier est le nôtre. Il est énorme. Il est exaltant. Mais il est surtout porteur de nombreux défis dont nous devons déjà prendre la pleine mesure.

Un Gouvernement de transition est un Gouvernement de mission et non un Gouvernement ordinaire.

Les Tchadiens doivent sentir, rapidement, dans leur quotidien, à travers toutes les actions du Gouvernement qu’ils sont au centre des préoccupations de la République.

Il s’agit de mettre en exécution les cahiers de charges du DNIS. Les lignes fortes de ce cahier sont :

  • En matière de justice

Les tchadiens réclament la justice et l’égalité devant la loi. L’injustice dont ils ont fait fortement écho au DNIS met en cause notre institution judiciaire dont il faut revoir fondamentalement le fonctionnement, l’utilisation de ses ressources humaines, la représentation spatiale et l’efficacité. En un mot, il s’agit de reformer notre justice.

  • En matière de promotion du mérite

Nos compatriotes sont devenus très sensibles aux discriminations, aux népotismes, à la corruption, à la négation du mérite, à la mauvaise gouvernance, au sectarisme et au communautarisme. Toute chose qui remet en cause les valeurs de la République en ses fondements d’égalité, de fraternité, de solidarité et de transparence dans les actes publics et les décisions de l’État.

  • En matière des conflits

Le Dialogue National Inclusif et Souverain a fait ressortir le drame des affrontements intercommunautaires souvent suscités et instrumentalisés par des acteurs politiques.

Les pertes en vies humaines, en destruction des biens matériels souvent en capital de travail sèment la désolation dans la population. Elle ne sait vers qui se tourner pour avoir la protection légitime qu’elle attend. Le Gouvernement de Transition doit rendre effective l’autorité de l’État sur toute l’étendue du Territoire National.

Pas un fragment du Tchad, aucun terroir de notre pays ne doit échapper au contrôle effectif de l’État et l’effectivité de sa politique sécuritaire. Pour cet objectif, la reforme de notre administration territoriale doit être menée à terme.

  • En matière d’économie et des finances

Le tissu économique et financier est dans un état de délabrement. D’un côté le climat des affaires n’inspire pas confiance aux investisseurs étrangers et d’autre part, l’augmentation continue de la dette intérieure désole les entrepreneurs nationaux.

Le monde des affaires attend beaucoup du Gouvernement de Transition en matière des mesures de relance de notre économie. Ces mesures doivent concerner la maitrise de nos finances publiques.

  • En matière de catastrophes naturelles

Comme énoncé dans mon message à la Nation prononcé hier, les catastrophes naturelles sont cette année d’une ampleur exceptionnelle. Les inondations ont laissé des nombreuses familles tchadiennes sans abri, dans la désolation.

Des nombreux champs seront sans récolte. Il est à craindre une année de famine. Cette situation est exploitée par les spéculateurs de tous ordres pour raréfier et augmenter de façon exagérée les prix de produits de première nécessité.

Le Gouvernement de Transition doit prendre de mesures contre la vie chère, assister les sinistrés et les vulnérables et apporter une protection sociale à la mesure des menaces qui pèsent sur nos compatriotes.

  • En matière de paix

Après Doha et le DNIS, l’impératif d’une paix véritable est attendu des Tchadiens. Ils veulent que les accords soient respectés et appliqués pour tourner définitivement la page des affrontements meurtriers fratricides.

Le Gouvernement de Transition mettra rapidement en œuvre les mesures phares de l’accord de Doha et les résolutions fortes du Dialogue National.

  •  En matière de retour à l’ordre constitutionnel

Je voudrais relever l’importance cardinale que représente l’engagement en faveur du retour à l’ordre constitutionnel.

Le Gouvernement de Transition doit inscrire dans son programme la réalisation du calendrier du processus électoral qui passera nécessairement par l’achèvement du projet de la future constitution, et l’élaboration et l’adoption des différents textes juridiques relatifs aux élections, l’actualisation du fichier électoral, l’achèvement du découpage territorial.

En adéquation parfaite avec les conclusions du Dialogue National Inclusif et Souverain, le Gouvernement que vous composez est appelé à décliner le cahier des charges en actions concrètes dans tous ses aspects et dimensions.

  • Monsieur le Premier Ministre de Transition ;
  • Messieurs les Ministres d’État
  • Mesdames, Messieurs les Ministres.

Pour que l’objectif de Refondation ait toutes ses chances d’être pleinement atteint, à l’issue de la Transition, une profonde réforme de l’appareil étatique doit être une des priorités opérationnelles. Cette réforme implique, entre autre, une rupture avec notre culture administrative qui n’intègre pas la gestion axée sur les résultats.

Les défaillances cumulées qui constituent les racines profondes du dysfonctionnement de l’appareil étatique doivent être corrigées.

A cet égard, la responsabilité individuelle et collective est le pivot central de l’intégrité dans l’exercice de vos charges publiques. Votre capacité à joindre la réflexion bien faite à l’action bien accomplie dans le souci du bien commun est la première qualité attendue de vous tous.

Il s’agit, globalement, d’œuvrer, de manière contraignante et incitative, à ce que toutes les institutions, mais aussi, tous les acteurs non institutionnels participent aux efforts de développement, dans les meilleures conditions possibles, en apportant les  meilleures contributions que la Refondation exige.

Pour ce faire, le Gouvernement doit s’assumer entièrement, prendre la pleine mesure de la responsabilité qui incombe à chaque membre de l’équipe gouvernementale et mettre en avant, constamment, l’esprit de l’équipe et de la solidarité gouvernementale.

Ce fonctionnement optimal passe, nécessairement, par la restauration de l’autorité de l’Etat, le respect de la hiérarchie, le maintien de la sécurité des personnes et de leurs biens, la promotion de la bonne gouvernance, la valorisation de la justice sociale, la conduite des réformes institutionnelles, la conception des réponses appropriées aux priorités sociales, la maitrise de l’inflation et la relance des investissements, pour ne citer que ceux-là.

Sous la conduite du Premier Ministre, le gouvernement doit être le moteur du changement : c’est pourquoi, il doit appuyer sur le bon levier, anticiper les obstacles et fédérer les équipes pour relever les défis de la conduite du changement, véritablement attendue par la population.

  • Monsieur le Premier Ministre de Transition ;
  • Messieurs les Ministres d’État
  • Mesdames, Messieurs les Ministres.

Le vaste chantier de la transition et de la construction du nouveau Tchad ne peut se réaliser sans un esprit de complémentarité et de cohésion, une synergie d’action, une constance de discipline et de rigueur, un sens élevé d’exemplarité, tous impératifs préalables au succès de vos missions individuelles et collectives.

Vous devez avoir pleinement conscience des défis actuels de notre pays et mesurer l’immensité des attentes de la République qui a fait appel à vous, en ce moment historique.

La tâche principale est certes politique avec la mise en œuvre des conclusions du Dialogue National Inclusif et Souverain mais pas que cela.

Il y a aussi les attentes, fortes et légitimes, des populations qui aspirent au bien être social, à la paix, à la quiétude, à la justice sociale, à la sécurité (sécurité des personnes, sécurité de leurs biens et sécurité sur nos routes dégradées).

Dans la droite ligne des engagements que nous avons pris, le Gouvernement doit œuvrer pour répondre aux priorités sociales qui se déclinent en amélioration de l’accès à l’eau, à l’énergie, à l’éducation, aux services de santé, au phénomène de vie chère et à la solidarité nationale avec en ce moment les inondations qui affectent des milliers de nos compatriotes.

Il faudra accorder une attention particulière au développement territorial et l’inclusion spatiale car le développement est avant tout un facteur endogène.

Nous devons miser sur nos ressources propres en évitant la déperdition et engager notre développement avant de solliciter un accompagnement de nos partenaires.

C’est pourquoi, le gouvernement doit engager, de manière soutenue, les reformes relatives à la qualité de l’administration publique et la gouvernance basée sur l’État de droit notamment par la modernisation et l’informatisation.

Le Gouvernement doit également être capable d’engager l’économie nationale sur la voie de la diversification et mobiliser des ressources extérieures pour soutenir les investissements publics. Ces investissements doivent être réalistes, mûrement réfléchis et planifiés pour avoir un impact réel et direct sur le quotidien des tchadiens.

J’insiste, à cet effet, sur la nécessité d’une bonne gouvernance à travers une collecte effective des recettes dans toutes les administrations, une gestion saine et responsable des ressources de l’Etat et la mise en place des processus et circuits administratifs et financiers clairs.

Le code des marchés publics impliquant la signature des marchés par le Président de la République et la mercuriale des prix constituant la base de la surfacturation doivent être revus.

Dorénavant, chaque ministère doit être en mesure de gérer son budget et ses marchés suivant des règles rigoureuses et transparentes bien établies.

Le Chef de l’Etat n’a pas à signer des marchés et la surfacturation des services à l’État doit prendre fin.

  • Monsieur le Premier Ministre ;
  • Messieurs les Ministres d’État ;
  • Mesdames, Messieurs les Ministres.

La nomination des cadres au sein des ministères doit répondre à des nécessités constatées, réelles et justifiées d’une part et obéir à des critères objectifs de qualification, de mérite, de compétence, d’équité et du genre d’autre part.

Aussi, la nomination des Secrétaires Généraux des ministères, des Directeurs Généraux des organismes sous tutelle et des Directeurs Généraux des départements ministériels relevant de l’administration civile, doit être soumise à l’examen du Conseil des Ministres.

Par ailleurs et conformément aux recommandations du Dialogue National Inclusif et Souverain, l’Inspection Générale d’État (IGE) sera dissoute. Il reviendra à l’Inspection Générale du ministère des Finances (IGF), à la Cour des Comptes et aux Inspections des ministères d’assumer pleinement leur responsabilité et jouer efficacement leur rôle en la matière.

Quant aux ressources de l’État, l’amélioration du recouvrement des recettes publiques en général est une autre exigence prioritaire de la Refondation qui gagnera considérablement à disposer d’un mécanisme permettant d’éviter la déperdition et la dilapidation frauduleuses des recettes de l’Etat.

La bancarisation des recettes des impôts, des domaines et des recettes administratives doit être rendue pleinement opérationnelle et généralisée sur l’ensemble du territoire.

Il en va de même pour toutes les mesures procédurales dont les reformes numériques, les logiciels de traçabilité et de contrôle visant à sécuriser de manière optimale le recouvrement des recettes publiques.

De même, il doit être exigé à tous les agents impliqués dans le recouvrement des recettes publiques de justifier leurs biens matériels et immatériels, et de prouver l’absence de tout conflit d’intérêt dans l’exercice de leur fonction.

Nous devons miser sur les retombées de la gestion saine de nos ressources avant de solliciter un accompagnement des partenaires.

  • Monsieur le Premier Ministre ;
  • Messieurs les Ministres d’État ;
  • Mesdames, Messieurs les Ministres.

Le respect de ces engagements ne peut être effectif sans un don de soi et un engagement total.

Il vous revient, dans une large portée, de cimenter en urgence le vivre ensemble et la cohésion sociale mis à rude épreuve par des conflits meurtriers à travers le pays.

L’autorité de l’Etat doit être respectée, la paix doit être consolidée, la sécurité doit être assurée partout et pour tous et l’état de droit et la justice sociale doivent être garantis.

L’appareil judicaire doit être au rendez-vous de sa vocation première et remplir pleinement sa mission de justice. Toute la force de la loi doit être exercée dans l’application effective des sanctions prévues par la loi, contre ceux et celles qui enfreignent les lois de la République, d’où qu’ils viennent et qui qu’ils soient.

Il est enfin indispensable d’avoir une communication gouvernementale, responsable, harmonieuse et en phase avec la modernité technologique, pour édifier efficacement l’opinion publique et marquer l’unité d’action du gouvernement sous la direction et la coordination du Premier Ministre.

Chaque chef de département ministériel doit jouer sa partition et que l’ensemble du gouvernement soit tenu par une obligation mesurable et chiffrable de résultats.

Le Gouvernement est instruit de concevoir un chronogramme précis de mise en œuvre de grandes lignes de son programme découlant du cahier des charges. 

Pour ma part, je ferais en sorte que les moyens puissent accompagner le Gouvernement, dans la limite des ressources disponibles.

Pour terminer, je voudrais répéter, une nouvelle fois, que nos compatriotes doivent sentir, dans leur quotidien, à travers tous les faits, les gestes et les actes du Gouvernement qu’ils sont au centre des préoccupations de la République.

Pour cela, chacun doit privilégier l’intérêt général, taire tous les calculs personnels et cultiver le sens du patriotisme.

Bonne mission et bonne chance à toute l’équipe.

Que Dieu vous Bénisse !

Que Dieu Bénisse le Tchad !

Merci pour votre aimable attention.